Entrevue avec Erick Duschene et Zoé Boirin

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20 Mars 2021

Entretien avec Erick Duchesne, professeur titulaire au Département de science politique de l’Université Laval et Zoé Boirin-Fargues, doctorante à l’Université d’Ottawa, réalisé par Stéphanie Roullier, Coordinatrice de la recherche du réseau MinErAL

 

Mines et peuples autochtones : interactions entre les droits des autochtones et le droit international du commerce et des investissements

Le réseau MinErAL finance actuellement votre projet intitulé « Mines et peuples autochtones : interactions entre les droits des autochtones et le droit international du commerce et des investissements, » dont la première phase vient de s’achever. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste votre projet?

Erick Duchesne : Tout est parti d’une anecdote. L’idée de ce projet a eu lieu lors de la deuxième conférence de MinErAL qui a eu lieu en mai 2018 à Uashat. J’assistais à la présentation de notre collègue de droit de l’Université d’Ottawa, Sophie Thériault, quand lors de la période de questions-réponses, je me suis interrogé sur les traités internationaux. Comment les peuples autochtones sont-ils considérés comme acteurs centraux dans les traités internationaux, notamment dans le contexte spécifique des projets miniers? À mon grand étonnement, il n’y a rien vraiment de systématique qui est colligé sur l’information. Et là, je me souviens… Thierry Rodon se tourne vers moi et me dit : « ben voilà ton prochain projet de recherche »! De retour à l’hôtel, je croise Zoé et je lui fais part de mon intérêt. Elle a montré immédiatement beaucoup d’enthousiasme et c’est de là que tout est parti! Nous avons pu lancer la première phase du projet grâce au financement du réseau MinErAL. On a pu aller chercher, à travers différentes sources, les traités d’investissements, les traités de commerce qui abordent ce sujet. Zoé a effectué un travail de moine, tant la tâche était complexe. On a vraiment colligé l’ensemble de l’information. Maintenant, la deuxième phase du projet consiste à traiter l’information et à donner des statistiques descriptives. Mais là, on veut aller plus loin, avec certains projets de publication.

Zoé Boirin-Fargues : Non seulement, dans la première phase, on a regardé les traités, mais on a également regardé les affaires, donc les décisions arbitrales et autres documents de procédures où il y avait des références au droit des peuples autochtones afin d’observer ce qu’il se passe quand il y a des litiges, notamment quand ces derniers ont pour origine un projet minier. En analysant les traités et arbitrages, on a observé certaines tendances. Par exemple, une référence grandissante à la responsabilité sociale des entreprises. Du point de vue géographique, également, il était intéressant de voir où est-ce qu’il y a des traités qui incluent les droits des peuples autochtones et comment? Pourquoi est-ce qu’il y a plus d’affaires en Amérique du Sud qu’en Europe ou en Asie? Dans cette deuxième phase, on va donc aller plus loin dans l’analyse des données. Le comité d’évaluation du réseau MinErAL nous a également suggéré d’analyser les effets structurants des traités au niveau des projets miniers.

 

Quels résultats attendez-vous de ce projet?

Zoé Boirin-Fargues : On espère comprendre davantage ce qu’on a pu observer dans la phase 1 du projet et voir quelles pourraient être les pistes d’évolution par rapport au droit international des investissements et du commerce international. Nous souhaiterions davantage pousser les stratégies, dispositions qui ont été identifiées pour que les droits des peuples autochtones soient inclus à cette « sphère » du droit international. Certaines stratégies et arguments ont d’ailleurs déjà été identifiés par des représentants autochtones. Il y a également l’idée, suggérée aussi par le comité, derrière ce projet, de pouvoir établir une base de ressources pour les communautés autochtones, pour rendre les résultats plus visibles. Cela pourrait peut-être les aider dans les négociations, mais nous souhaitons avant tout rendre l’information plus accessible.

Erick Duchesne : En termes d’inclusion des valeurs, de positions, d’intérêts des peuples autochtones, nous souhaitons identifier ce qui a bien fonctionné et rendre cela le plus visible possible. Par la suite, notre objectif sera de disséminer l’information et de faire un point du point de vue des droits des peuples autochtones, que ce soit dans les litiges ou les traités internationaux. Tout commence par une bonne base d’informations. C’est ce qui m’avait étonné. Il n’y a rien qui est colligé là-dessus. C’est d’ailleurs une priorité des Nations unies. C’est là qu’on peut faire une bonne contribution, je pense.

 

Pourriez-vous nous en dire plus sur les activités de transfert de connaissances pour les organisations/communautés autochtones ?

Erick Duchesne : Nous allons les définir au fur et à mesure de cette année. Nous allons voir comment on peut diffuser l’information et la rendre plus accessible. Nous sommes encore en pleine réflexion et nous allons devoir déterminer le format qui sera le mieux adapté, le plus utile aux communautés autochtones. Idéalement, ça pourra se faire dans la deuxième phase du projet. On a l’information et on va rédiger. On va pouvoir produire des travaux, ou au moins une brochure afin de savoir où trouver l’information. Idéalement, ça serait d’avoir une troisième phase où on pourrait créer une carte graphique, avec les différents traités et les informations colligées. Mais c’est un projet un peu plus ambitieux.

Zoé Boirin-Fargues : Il y a énormément de travail à faire, mais il y a quand même des percées. Notre objectif serait aussi de pouvoir documenter ça. Comment peut-on participer à une procédure d’arbitrage en fonction du pays dans lequel on se trouve? Du traité qui a été signé? etc.